Jour 1
J'ai passé une nuit horrible. Un bataillon de moustiques ne m'a pas laissé tranquille. Très fatigué je pars pour 150km jusqu'à Anar. Des paysages désertiques, une vallée venteuse et pas une seule ville pendant plus de 100km, voilà le résumé de la journée. Je me dirige plein sud et l'astre du jour dégage une chaleur considérable. Ça doit être très pénible en été.J'arrive à Anar juste à temps, avant la nuit. Le nom de la ville veut dire "grenade" et dois y manger au moins 2-3. À l'entrée de la ville je trouve un hôtel pour 16€. Je tente de faire baisser le prix à 10€, mais ça ne passe pas. Je continue vers le centre-ville où se trouve la grande mosquée. Je m'arrête à un supermarché pour demander où je peux passer la nuit et 5 minutes plus tard je suis un ado à moto. Juste en face de la mosquée il me montre l'auberge. Un dortoir avec 12 lits mais j'y suis seul, sans internet, ni douche mais accès à la cuisine. Tout ceci pour 3€. J'utilise la cuisine comme douche improvisée et je me prépare des pommes de terre bouillies. Comme dessert : 2 grenades, 2 pommes et 1 orange. Du repos bien mérité.
Paysage désertique |
Jour 2
J'ai du mal ce matin. La journée d'hier a vraiment puisé dans mes réserves. La journée commence bien sur un plat légèrement montant avec un vent de dos. Tout se passe bien quand soudainement le vent tourne après 20km d'amitié. La route monte de plus en plus pendant 40km. Je traîne tel un escargot, les antennes balancées par le vent. À 5km de la fin mon lecteur MP3 lance sa dernière chanson puis se tait faute d'énergie. Je reste seul avec mes pensées emportées loin vers le nord. Il ne reste que les gros, nus et tristes rochers pour égayer ma journée.Heureusement j'arrive au bout de la côte, mais au lieu de faire une belle descente, je me retrouve dans une vallée plate. Ici la seule végétation ce sont les petits buissons (comme ceux des westerns), dont la seule utilité est de se plier sous la force du vent et ainsi me montrer d'où vient l'ennemi numéro un des cyclistes. Avec leur position abaissée, ils ne font que confirmer ma galère.
Après 40km sur le plat j'arrive à Shahr-e-Babak. Un gars curieux s'arrête et me demande d'où je viens et où je vais. De mon côté je lui demande où et l'auberge et bien-sûr il me propose d'aller chez lui.
Pour le goûter des pistaches de la ferme et des raisins secs, et tout ceci accompagné bien-sûr d'un thé. Après le dîner, on essaie de discuter un peu, mais c'est pas évident avec un dictionnaire. Le père de Fatollah est très curieux. Ils sont très surpris d'apprendre que généralement les occidentaux n'habitent pas avec leurs parents jusqu'au mariage, voire après le mariage.
Avant de me coucher, Fata me donne une photo de lui, comme celles qu'on met dans le portefeuille. C'est étrange et je refuse. Je préfère un bon vieux et traditionnel selfie. Son père, de son côté, sort quelques billets et me les tend ?!?!. Je dois avoir vraiment l'air désespéré. Bande de tarés, ces iraniens.
Gros rocher |
Tristes rochers |
Jour 3
Je ne repars pas les mains vides. La mère de Fatollah me file discrètement un gros sac de pistaches. Alourdi de 2 kilos de fruits secs je pédale vers le sud, toujours contre le vent. La route est plate mais avec ce vent c'est comme si je monte. Détestable et fatiguant, je ne peux rien dire d'autre pour décrire cette journée. Je suis tellement préoccupé par la direction du vent que je ne remarque pas les épais nuages couvrant le ciel. J'ai même droit à quelques gouttes. Je maudis la nature. Heureusement j'ai où dormir ce soir.D'après ce que je vois, je me trouve dans le pays des pistaches. Il y en a partout : des plantations, des vendeurs en gros et au détail.
Arrivé à Sirjan, je contacte mon hôte Reza. C'est un prof d'anglais et la convention passe bien. C'est un gars très intéressant, cultivé et ouvert d'esprit. Nous rejoignons son ami Mohammad et allons au restaurant. Je dois dire que c'est mon premier resto, pas un fast-food, en Iran. Un délicieux poulet plus tard nous nous promenons dans la ville. Je sens que ces deux gars sont un peu rebelles dans l'âme. Ils ont envie de partir et de découvrir le monde mais hélas c'est pas possible. Ils se sentent comme des prisonniers dans leur propre pays.
Sirjan - réservoir d'eau |
Capteur de vent |
Jour 4
Troisième jour de vent de face. Il redouble d'intensité, le trafic aussi. La sortie de Sirjan est horrible, sur une route étroite à double sens. Je commence à en avoir marre. D'un coup tout perd d'importance : les paysages, la musique, le plaisir du voyage. La seule chose qui compte ce sont les millimètres parcourus, les kilomètres qui me séparent de Bandar Abbas et de la rédemption. Comme si la nature veut m'empêcher de quitter ce pays, mais la c'est mon seul et unique souhait. Une pensée hérétique me traverse l'esprit - mettre mon vélo dans un camion et aller directement à Bandar. Heureusement ma foie et volonté sont assez fortes.Après 90km et 8h de bataille, je me rends. Lutter contre les éléments est un gaspillage d'énergie. C'est perdu d'avance. Ainsi je m'arrête à 50km de la ville étape, dans un petit village qui porte le nom Baqat.
Évidemment il n'y a ni hôtel, ni auberge. J'opte pour la mosquée mais bizarrement elle est fermée. Je suis entouré de gamins qui n'arrêtent pas de crier en farsi. Je suis fatigué et ils me soûlent plus qu'autre chose. Je leur parle un peu en bulgare mais ça ne les calme pas. Je mets ma musique à fond et je retrouve la paisibilité du hard rock.
Un gars passe en voiture et remarque ma galère. Il me dit de le suivre jusqu'à un restaurant. Là bas, un autre gars qui parle un peu anglais m'invite chez lui. Mohammad habite avec son père et 2 copains. Sans présence féminine, la maison ressemble plus à un squatte. Des gens viennent et s'en vont, la porte est ouverte pour tous les copains du village. Je vois une autre réalité iranienne, celle de l'opium. Ils en fument toute la soirée, mâchent des herbes dont je ne connais pas d'origine. Un petit sentiment d'insécurité m'envahit mais en réalité ils sont très sympa et accueillants. Ils cuisinent un super dîner chassé plus tôt la journée et m'apprennent des jeux de cartes.
Un des gars travaille à la station météorologique de la région et le dit que demain j'aurai un bon vent mais un peu frais. J'ai envie de le croire.
Mini tempête de sable |
Rocher solitaire |
Jour 5
Je ne crois pas mes yeux, le météorologue avait raison. Ce matin le vent souffle bien dans ma direction. Il fait un froid de canard, alors j'enfile la veste et les gants et je fonce dans la descente. Poussé par le vent j'atteins à nouveau 79km/h, toujours pas ce foutu 80. Bientôt le soleil monte dans le ciel et la chaleur revient, ainsi que ma joie et bonne humeur. Plus de 200km jusqu'à Bandar Abbas, je ne pense pas y arriver mais me rapprocher au maximum. Jusqu'au kilomètre 100, l'altimètre chute, alors une première grosse montée se profile devant moi. Sans le vent c'est tellement plus facile. Je monte, je descends et les heures passent. Je suis à 50km de Bandar quand le coucou sort de sa maison en bois pour la 4ème fois cet après-midi. Il est temps de trouver un endroit où passer la nuit. J'aperçois un bâtiment du Croissant-Rouge (la Croix-Rouge pour les musulmans). Une voiture de police est garée devant et je demande où se trouve la prochaine ville. Au pire je pourrai dormir ici. Le policier me dit dans 5km... Je me rends vite compte qu'il voulait dire 50km... Les iraniens avec un anglais moyen ont dû mal avec les nombres, le 5, 15 et 50 c'est toujours "five". À vélo la différence est conséquente.Heureusement j'approche une aire de repos avec une station d'essence pour la douche ; une épicerie pour le goûter ; un restaurant pour le dîner ; et le plus important, une salle de prière pour le dodo.
Vers Bandar Abbas |
Vers Bandar Abbas |
Courage, Edi !
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