"Chine" : sur la route en travaux de Yunnan

Zhesangxiang, Yunnan, Chine 0

Jour 1

Le passage de la frontière se passe parfaitement. Je demande de l'aide à un policier et il m'accompagne durant toute la procédure. Me voilà dans le pays des vrais chinois. J'en avais marre des contrefaçons vietnamiens, laotiens, cambodgies, etc.
Les premiers kilomètres se font sur une route tranquille inséparable de la rivière Nanxi. Habituellement, un spot pour le rafting, aujourd'hui la rivière ne peut pas être fière de son débit. Je me trouve dans une région avec des plantations d'ananas et je connais quelqu'un qui fera une overdose. En haut de la première difficulté je trouve une vendeuse. Elle m'accueillit avec un morceau de pastèque mais je me jette sur une sac rempli d'ananas découpés prêts à être avalés. Avant de l'entamer je le pèse - 800gr. La dame voit mon appétit et me rajoute un autre ananas. Le sachet vide je me presse pour partir. J'attaque la prochaine difficulté sans savoir ce qu'il m'attend - 25km de montée douce. J'ai l'impression qu'on a choisi la plus haute colline pour faire passer la route. Dans la descente je suis bloqué par un bouchon. Un camion essaie de faire demi-tour et il a à peine la place. Après une vingtaine de manoeuvres, dont la dernière très risquée (le camion glisse dangereusement vers le caniveau), le camion se trouve dans le bon sens et on peut tous repartir. La descente est étrangement courte suivie d'une montée deux fois plus longue. Mais jusqu'où je vais monter ?
J'arrive dans un petit village animé et je demande s'il y a un hôtel. Un monsieur me montre la porte d'à côté. Le prix est de 10€ et je sors revoir le monsieur. Il me montre le bâtiment en face. Il y a combien d'hôtels dans ce village ? Celui-ci est 4 fois moins cher mais j'avoue c'est l'hôtel le plus glauque depuis des mois. Il peut se battre pour le prix du pire hôtel avec ses acolytes indiens. Je trouve même un hypermarché ce qui me permet de me familiariser avec les prix et de remplir un sac de sucreries.
Le chinois est plus débrouillard que son cousin d'Indochine. Nous arrivons à communiquer avec des gestes mais ils ne peuvent pas s'empêcher de parler pour autant. Par contre j'ai du mal avec leur système pour montrer les chiffres avec les doigts. Ils n'utilisent qu'une seule main et je comprends pas trop quand il s'agit d'un nombre au-delà du 5. Je les trouve plus discrets, plus timides ; plus personne ne crie à mon passage. Peut-être ils s'en foute de moi tout simplement. Les gamins sont calmes; les boîtes à "Hello" me manquent ; non, je plaisante, je les déteste.
Ça grimpe
Comment bloquer la route

Jour 2

Je quitte le village avant qu'il soit complètement réveillé. Moi, je me réveille vite avec 15km de montée, suivie de 35km en rythme cassant. J'arrive dans une grande ville - Maguan, mais il n'est que midi et la prochaine ville est à 55km. Je me lance les yeux fermés, la tête dans le guidon. La route est très agréable, les hautes collines laissent la place à un relief beaucoup moins escarpé. Enfin je récolte les fruits de mes efforts d'hier - une longue descente jusqu'à Wenshan. La ville est en plein boum, de gigantesques constructions, des quartiers entiers, poussent par-ci par-là.
Le défi du jour sera de trouver un hôtel. Je n'arrive pas encore à déchiffrer les devantures. Je comprends le sens de l'expression "c'est du chinois". Je ne trouverai pas tout seul et je demande à une vendeuse. Encore une fois l'hôtel est à 10m. Elle m'accompagne et après une conversation avec le réceptionniste, ils me font signe de négation. Elle m'indique le chemin pour un autre hôtel. Sur la route je rencontre un jeune policier et je le réquisitionne pour la recherche. Nous trouvons l'hôtel dont on m'a parlé mais on me demande 10€ en échange des clés d'une chambre. C'est une grande ville il doit bien y avoir un hôtel pas cher. Quelle meilleure source d'information qu'un stagiaire de la police de la circulation. Il appelle des gens et j'attends patiemment. Il télécharge un traducteur et me lance un "Let's go". Je le suis et nous arrivons devant un hôtel luxueux. Je vois les prix sur la pancarte et je lui la montre - plus de 20€ la chambre. Je comprends vite que la gérante est une amie et je les laisse discuter sans essayer de comprendre. À l'aide de son traducteur il me dit que je peux rester dans l'hôtel pour 40 yuans (5€), mais que je dois aller au poste de police pour m'enregistrer, le mari de la gérante m'attendant déjà sur sa moto. Je ne comprends rien à cette histoire mais je monte sur la bécane. Au poste, beaucoup de discussions auxquelles je ne participe pas et de regards amusés de la part des policiers, pour finalement faire une photocopie de mon passeport. Mon tuteur signe un papier et nous repartons pour l'hôtel. La dame me rappelle notre accord - 40 yuans. Je sors de mon portefeuille quelques petites coupures, le compte est bon. Après un regard échangé avec son mari, elle me rend 10 yuans, "Pour manger", me fait-elle signe. Qu'est-ce que se passe ? Qu'est-ce que le jeune policier a bien pu raconter à la gérante ? Je suis confus.
Yunnan

Jour 3

Je quitte ma chambre pour poursuivre l'aventure chinoise. Aujourd'hui la route est belle et calme. Les montées sont clémentes avec moi et j'avance avec confiance dans le décor montagneux du Yunnan. Alors que je prends mon goûter je vois un cycliste chinois lancé dans la descente. Je le comprends qu'il ne veuille pas s'arrêter. Je repars de mon côté vers le sommet du col quand tout d'un coup la route disparaît. Un panneau indique des travaux sur 45km. La route devient caillouteuse et poussiéreuse, et qui dit travaux, dit camions. Heureusement le village étape n'est pas loin. Ce soir c'est grillades - pommes de terre, haricots verts, poulet et maïs, tout ça posé délicatement à distance de sécurité des braises.
La route
Village étape

Jour 4

Je repars sur la route en travaux. Même le dimanche le chantier ne s'arrête pas. Les camions défilent dès le matin. Avec beaucoup de mal j'arrive au bout des travaux, la route s'améliore mais pas pour longtemps. Seulement 3km plus loin un autre panneau annonce la couleur - "travaux sur 70km". C'est abusé ! On aurait pu regrouper les 2 travaux. J'improvise un masque avec un t-shirt car je ne veux pas mourir comme un tailleur de pierres, asphyxié par la poussière. Le masque m'empêche de respirer correctement et les montées deviennent de plus en plus dur. Heureusement il y a des sections déjà réalisées qui me donnent un peu de répit. Je rencontre de plus en plus de cyclistes, malheureusement aucun d'eux ne parle anglais. Ils sont tous équipés de la même façon mais ne roulent pas ensemble. Soit c'est une compétition, soit ils se sont fâchés. Je voulais avoir des informations sur la qualité de la route mais je dois l'apprendre par moi-même. Je suis curieux de voir ce qui va arriver après les 70km. Les 15 derniers kilomètres sont un pur bonheur. Les travaux aboutis, j'avance sur un goudron tout neuf, même un peu collant. J'arrive au kilomètre 0 et là, bonne nouvelle, retour à la normale. Encore 20km et j'atterris à Funing après une magnifique descente. Les hôtels y sont bon-marché mais le reste est hors de prix. Par exemple pour un ananas on me demande 6 yuans, alors que l'autre jour j'en ai mangé 4 pour 5 yuans. Parlant de fruits, c'est la saison des mirabelles et des pêches. Après le dîner je pars à la recherche de dessert. Je prends un demi ananas, trop cher et honnêtement sans aucun goût. Je goûte aux mirabelles et je me retiens à ne pas la recracher devant la vendeuse. Les pêches ne me tentent pas non plus.
Yunnan
Réservoir

Jour 5

Je quitte mon hôtel pour prendre un petit-déjeuner. Alors que je mange tranquillement mes biscuits, un chinois vient discuter avec moi. J'ai pas encore appris le chinois alors la conversation se résume à des regards bêtes. Il m'invite à prendre le petit-déjeuner avec lui mais je n'ai plus faim, alors il insiste pour prendre le thé avec lui. Je ne peux pas échapper.
Je reprends la route et 600m plus loin je vois un camion transportant du sable. Mon mauvais pressentiment se confirme - travaux. Je dois parcourir encore 40km sur une route inexistante. C'est horrible. Le pire c'est que je ne peux même pas profiter du paysage au risque de me planter dans un trou. Je n'irai pas loin aujourd'hui.
Petit à petit la route revient et le trafic disparaît. C'est le silence, j'entends enfin les chants des oiseaux, je respire enfin de l'air pur. Je passe le dernier col de la journée et j'entame une belle descente. Le ciel se couvre et je sens la pluie arriver. Les premières gouttes tombent et je me dépêche pour me cacher. Ue minute plus tard c'est l'orage, puis la grêle, puis le calme. Au moins Günther est tout propre. Je continue sur ma descente et je constate les dégâts - des câbles électriques coupés, de jeunes arbres brisés, même un carrément déraciné.
Une chose intéressante que j'ai remarqué. Des fois les chinois, en me voyant que je pige que dalle, se mettent à écrire, comme si j'allais les comprendre. En fait, les chinois ne parlent pas tous la même langue mais l'écriture est identique. En gros, un mot s'écrit toujours de la même façon peu importe la langue mais ne se prononce pas pareil. L'écriture est le remède. Un jour, quand les chinois vont nous envahir et nous imposer leurs hiéroglyphes incompréhensibles, on pourrait communiquer tranquillement.
Les travaux
Grêle
La rivière Nanxi
Village
Wenshan
Colline creuse


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