"Japon" : dans les montagnes

Hakone, Japon 0

Jour 1

L'itinéraire "Length of Japan" prévoit un long passage dans les Alpes japonaises et pour plusieurs raisons je décide de tricher. La fatigue commence à s'accumuler et le manque de confort pèse. D'un autre côté, les freins de Günther ne tiennent pas bien et faire des descentes infernales serait irresponsable et dangereux.
Aujourd'hui j'entre dans le Japon oriental et comme comité d'accueil j'ai l'agglomération de Nagoya, la troisième ville japonaise. J'y passe incognito sur la périphérie.
L'après-midi est pluvieux et je suis trempé jusqu'aux os. Je longe une rivière, je ne vois aucun parc et la pluie ne veut pas abandonner le combat, bien au contraire. La chance me sourit pile à la tombée de la nuit. Un restaurant délaissé par ses propriétaires, disposant d'une belle terrasse avec vue sur la rivière, va m'accueillir pour cette nuit. J'espère que le toit ne s'effondrerait pas sur moi.

Jour 2

Même si j'étais au sec, l'humidité dans l'air ne m'a pas épargné. Ce matin la rivière est très mystérieuse, elle peut bien être le décor d'un film. La route est très fréquentée par les camionneurs et y rouler est très désagréable. À la première occasion je m'y échappe.
Le soleil sort de sa cachette et me sèche avec ses rayons infrarouges. J'avance sans aucune idée où je dormirai mais c'est inutile de se prendre la tête.
Je vois un panneau avec une tente dessinée et je commence la montée. Je suis tellement content de ma trouvaille que j'oublie de m'approvisionner pour le soir. Le parc Yomori est tout simplement magnifique, avec une belle rivière qui descend la pente rude. Ses eaux claires me donnent soif. J'ai envie d'en boire à la source. Le parc dispose d'une aire de camping et comme j'y suis le seul, je fais comme chez moi. Ce soir je monte sur scène pour la première fois de ma vie et j'y passerai la nuit.
Rivière mystère 
Sur scène 

Jour 3

Je suis très en avance sur mon planning et je dois essayer de faire un peu moins de kilomètres, pourtant la journée est calme et ensoleillée, la meilleure journée pour faire du vélo. Je roule sans difficulté dans une vallée entourée de hautes montagnes. J'assiste à une compétition de sumo entre des collégiens. Je rate de peu la partie masculine et j'ai droit aux combats des filles. C'est assez violent, mais tout se passe dans les respect de l'adversaire et la dignité japonaise. Le public est chaud ; ces petits gamins savent comment mettre l'ambiance.
Pour quitter la vallée j'emprunte un tunnel de 4,5km et d'une pente douce et descendante. Le compteur figé à 35km/h, le temps s'arrête pendant 10 minutes alors que je traverse la montagne tel une taupe. C'est quand-même de la grosse tricherie qui ne restera pas dans les annales du cyclotourisme.
Mes prévisions d'une journée courte tombent à l'eau, même pire j'en fais des kilomètres supplémentaires.
Je passe la nuit aux bords d'un lac perdu dans la montagne. Les derniers kilomètres de la montée se passent sous les projecteurs de Günther. Je croise un petit sanglier et je prie que la mère ne vienne pas car on sait tous ce qu'un sanglier peut faire. Je n'ai pas vu de panneaux "Attentions aux ours" alors je continue sereinement. Au lac, je surprends une bande de vieux amis pêcheurs. Ils rigolent fort toute la nuit et je n'ai droit à de repos que quand le dernier s'endort.
Au camping 
La vallée des galets 

Jour 4

Impossible de faire la grasse matinée en présence de 10 ours japonais. Je ramasse mes affaires et je quitte les lieux sans dire un mot.
J'arrive rapidement dans une région très touristique, nommée Les Alpes de Minami. La saison des campings a commencé et je le remarque par les familles qui remplissent les coffres des voitures au hypermarché du coin. Une carte touristique indique la présence d'une dizaine de camping. J'y fais le tour l'aprè-midi et du premier au dernier c'est toujours le même prix - 19€. Les conditions n'y sont pas terribles d'ailleurs ; souvent il faut dormir sur du gravier. Je ne comprends pas comment les japonnais peuvent accepter ça.
Je continue ma route et j'arrive dans une grande ville. Tout en haut d'une colline se trouve le camping, au milieu d'un parc. J'ai déjà une idée où je passerai la nuit. Je ne me presse pas et j'attends la nuit pour m'installer sur une aire de jeux pour enfants. La pelouse est bonne, j'ai des sanitaires privés et je suis loin des ados bruyants du camping.
Les Alpes de Minami
Les Alpes de Minami

Jour 5

Il ne faut pas tarder de partir car ma présence est un peu illégale. Je m'évapore aux aurores et je croise déjà les premiers retraités insomniaques grimpant vers le parc. Je les connais bien ces japonais.
Après 20km de montée et passage par un tunnel descendant j'arrive sur le lac Kawaguchi. La zone est archi tourstique et la cause c'est le fameux mont Fuji. Il doit bien y avoir des endroits pour camper autour du lac. Les campings sont nombreux mais c'est peine perdue. Je trouve le poste de police et je demande pour un parc. La réponse est négative. Je vérifie les hôtels et le moins cher (18€) me surprend. Son nom est "Capsule Inn", à quoi je dois m'attendre? Je ne peux pas rater l'occasion de dormir dans une boîte, expérience que seul le Japon peut offrir.
La réception n'ouvre qu'à 16h alors je me trouve un parc avec une belle vue sur le mont Fuji, qui porte un bonnet de nuages malgré le beau temps. Je regarde autour et je vois des abricotiers que personne n'a voulus secouer. En quelques secondes j'ai un tas de fruits bien mûrs.
Première nuit d'hôtel depuis Séoul. J'ai droit même à un kimono. Après une douche chaude bien méritée je profite pleinement de ma boîte. Le réceptionniste appelle ça une "chambre". Seuls les japonnais savent comment mettre 24 chambres dans une pièce. L'essentiel des touristes venus dans le coin défient le mont Fuji et sa météo capricieuse. D'après les témoignages la montée se fait en 8-9 heures plus 5 pour la descente. La température en haut descend jusqu'à 6°C avec un vent souvent violent (100km/h aujourd'hui).
Mont Fuji
À chacun sa box 
En kimono 

Jour 6

Ce matin le ciel est bleu à l'exception du petit nuage qui couvre le sommet du mont. Je croise beaucoup de randonneurs qui reviennent du sommet ; ça se voit sur leur visages marqués et démarche fatiguée.
En ce qui me concerne, je me sens en forme pour une dernière séries de cols. Je ne compte pas forcer et je pédale doucement dans les montées et prudemment dans les descentes, les freins ne tenant plus de tout. Pendant ma pause goûter je vois un autre cycliste arriver au supermarché. C'est le premier cyclo que je rencontre au Japon. Il s'appelle Martin et il vient d'Allemagne. Il roule avec un frère jumeau de Günther. Armé d'un arsenal de pièces de rechange il m'offre 2 paires de patins de freins. Il ne le sait pas, mais il vient probablement de sauver ma vie. Malheureusement on ne roule pas dans la même direction et comme il est un anti-internet, je ne pourrai jamais le revoir. Parti également en mode camping sauvage, il me montre un bon spot pour cette nuit.
Je roule autour de vieux volcans recouverts de forêts. Une région qui vit du tourisme randonneur. L'endroit indiqué par Martin est parfait avec un petit lac, malheureusement inaccessible, sinon j'aurais bien pris un bain avant le coucher du soleil.
Le lac Ashi
Les volcans de Hakone
Pont sans nom
Sumo
Tunnel éternel 
Kofu
Le lac Kawaguchi 
La cueillette
L'intérieur 
Route fleurie
Martin
Torii flottant 
Lac privé 


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